Les océans tropicaux sont assujettis à la résonance des ondes de Rossby et de Kelvin.
Sommaire
Les ondes de Rossby et de Kelvin quasi-stationnaires
La représentation dynamique des nœuds et des ventres de l’onde tropicale quasi-stationnaire permet de distinguer (Pinault, 2013):
- 3 ventres d’amplitude très inégale, deux ventres de part et d’autre de l’équateur et un ventre le long de l’équateur. Le ventre situé au nord présente la plus grande amplitude, autour de 10 cm en Novembre. Il s’étend de la côte brésilienne à la côte ouest africaine qu’il suit vers le nord. Le ventre équatorial, qui s’étend de l’Amérique du Sud à la côte ouest africaine, forme une crête en Janvier. Le ventre situé au sud de l’équateur, à peine perceptible, se divise en deux branches: s’étendant depuis la côte d’Amérique du Sud il forme une crête en Avril.
- 2 nœuds principaux, l’un et l’autre se confondant avec la partie occidentale des ventres situés au nord et le long de l’équateur. Le courant modulé situé au nord de l’équateur s’écoule principalement vers l’ouest, atteignant 30 cm/s en Octobre – Novembre (en Février dans sa partie septentrionale). Il chevauche le Courant Nord Equatorial et le Contre-Courant Nord Equatorial. La vitesse maximale du courant modulé équatorial est, quant à elle, atteinte en Mai.
Evolution de l’onde quasi-stationnaire
Suite aux forces géostrophiques qui s’exercent dans le bassin tropical, et qui résultent des effets conjugués de la rotation et de la gravité, des ondes de Rossby se forment à la fois au sud et au nord de l’équateur. Sous l’effet de la tension des alizés ces ondes se réfléchissent partiellement contre la bordure orientale de l’Amérique du sud pour rejoindre l’onde équatoriale. Une partie quitte le bassin tropical pour se mêler aux courants de bordure ouest s’écoulant vers le nord et vers le sud. L’autre partie forme l’onde de Kelvin piégée par l’équateur qui se propage vers l’est jusqu’à la côte africaine pour produire une onde de Kelvin côtière. Celle-ci se propage principalement vers le sud à partir du golfe de Guinée. Sous l’effet du reflux, une partie de ces ondes de Kelvin se réfléchit contre les côtes africaines pour former l’onde de Rossby équatoriale qui, piégée par l’équateur et stimulée par les alizés, se propage vers l’ouest jusqu’à la côte sud-américaine où elle est déviée vers le nord en suivant le Contre-Courant Nord Equatorial. Ceci résulte de l’effet Doppler: les ondes de Rossby se propagent en apparence vers l’est lorsque le Contre-Courant qui les entraine est plus rapide que leur vitesse de phase.
Ainsi les forces géostrophiques résultant des ventres contrôlent le mouvement des ondes de Rossby et de Kelvin, autorisant leur réflexion contre les limites orientale et occidentale du bassin, ou au contraire favorisant leur départ comme ceci se produit lorsque l’onde de Rossby septentrionale s’écoule vers l’ouest. Pour qu’il y ait résonance, la période moyenne du cycle complet doit se confondre avec celle du forçage, c’est à dire un an. L’ajustement du bassin au forçage est obtenu grâce à l’onde septentrionale qui doit son existence au Contre-Courant Equatorial. Celle-ci joue en effet le rôle de « coulisse d’accord » dans la mesure où la hauteur de la surface du bassin tropical s’ajuste pour permettre à l’onde forcée de réaliser son cycle en un temps moyen de un an, exactement.
L’évolution des ondes tropicales est soumise au forçage résonant des alizés. L’ensemble du bassin tropical s’adapte pour entrer en résonance, ce qui lui permet de capter le maximum d’énergie. Ce mode de bassin résonant l’emporte sur les modes non résonants qui ne sont pas synchronisés avec le forçage. Dans ce cas les ondes s’amortissent très rapidement car s’opposant inévitablement au forçage au cours de leur évolution. Dans ces conditions, pour l’océan Atlantique la longueur d’onde de Rossby obtenue de la relation de dispersion est 24.700 km à l’équateur pour la période de un an qui correspond au cycle des alizés. Elle est 12.350 km pour l’onde de Kelvin, plus rapide, dont la période est 2 mois.
Le forçage résonant, qui met en jeu des transferts d’eau chaude entre les deux hémisphères, tire parti du basculement des alizés d’un hémisphère à l’autre au gré de la zone de convergence intertropicale, ceinture de zones de basses pressions entourant la terre près de l’équateur. Sa localisation oscille de part et d’autre de l’équateur, passant d’un hémisphère à l’autre selon un rythme annuel, suivant la déclinaison du soleil. Pendant l’hiver austral la zone de convergence intertropicale migre vers l’hémisphère nord et les alizés soufflent dans l’hémisphère sud, forçant l’onde annuelle méridionale. Pendant l’hiver boréal la zone de convergence intertropicale migre vers l’hémisphère sud et les alizés soufflent dans l’hémisphère nord, forçant l’onde septentrionale.
L’upwelling (la remontée d’eaux froides profondes) saisonnier dans le golfe de Guinée est entravé pendant la phase de propagation vers l’est de l’onde résonante équatoriale alors qu’il est stimulé lors de la phase de propagation vers l’ouest, ce qui fait que l’eau froide remplace l’eau chaude dans la couche de mélange. Pendant l’hiver boréal, la crête se forme le long de l’équateur tandis que l’anomalie septentrionale se creuse, l’eau froide remplaçant progressivement l’eau chaude qui vient de quitter le bassin tropical pour alimenter les courants de bord ouest. A la fin de l’hiver boréal le ventre septentrional forme une cuvette, ce qui favorise la migration vers l’hémisphère nord de l’eau chaude accumulée pendant l’été austral dans l’hémisphère sud. Ceci en raison de la hauteur de la surface de l’océan tropical: les courants géostrophiques s’écoulent en suivant les lignes de pente (des ventres positifs vers ceux négatifs). En outre, l’onde de Rossby équatoriale est déviée par la bordure occidentale du bassin en se joignant au Contre-Courant Nord Atlantique. Six mois plus tard le ventre septentrional s’inverse jusqu’à former une crête. Cette crête, qui est associée à l’approfondissement de la thermocline, accompagne la récession de la vague pendant laquelle les courants de bord ouest sont alimentés en eaux chaudes, et le cycle peut recommencer…
Au cours d’un cycle, les eaux chaudes migrent du ventre méridional vers le ventre septentrional via le ventre équatorial. A chaque étape le volume d’eau chaude augmente en se cumulant à celui déjà en place en cours de formation, ce qui est reflété par l’amplitude des ventres. Ces eaux chaudes sont incorporées depuis le ventre septentrional dans les deux courants de bord ouest que sont le Gulf Stream au nord et le courant du Brésil au sud, avec une périodicité annuelle.
Glossaire
Une onde stationnaire est le phénomène résultant de la propagation simultanée dans des directions différentes de plusieurs ondes de même fréquence. Une onde stationnaire forme une figure dont certains éléments appelés nœuds restent fixes, alternant avec les ventres. Une onde quasi-stationnaire se comporte comme une onde stationnaire mais les ventres et les nœuds peuvent se chevaucher.
Upwelling. Ici, ce terme indique une remontée d’eau profonde, donc froide. Le phénomène d’upwelling est associé au fonctionnement des ondes résonantes tropicales.
Dans un milieu homogène, la propagation dans une direction donnée d’une onde monochromatique (ou sinusoïdale) se traduit par une simple translation de la sinusoïde à une vitesse appelée vitesse de phase ou célérité. Dans un milieu non dispersif, cette vitesse ne dépend pas de la fréquence (ou de la longueur d’onde). Dans ce cas toute onde complexe somme de plusieurs ondes monochromatiques subit aussi une translation globale de son profil, ceci sans déformation. Au contraire, dans un milieu dispersif la vitesse de phase dépend de la fréquence et l’énergie transportée par l’onde se déplace à une vitesse inférieure à la vitesse de phase, dite vitesse de groupe.
La relation de dispersion, qui relie la pulsation (ou la fréquence) d’une onde libre (non contrainte) ω = 2π/T à sa longueur d’onde, prend une forme très simple lorsque les ondes sont non dispersives comme c’est le cas des ondes de Kelvin, ainsi que des ondes de Rossby de grande longueur d’onde. Dans le premier cas, ω/k = c où k est le nombre d’onde (inverse de la longueur d’onde) et dans le second cas ω/k = -c/(n+1), le signe – indiquant que l’onde se propage vers l’ouest. c est la vitesse de phase pour le premier mode barocline, n est l’ordre du mode méridien.
Les courants géostrophiques sont établis à partir des mesures du vent, de la température ainsi que de l’altimétrie par satellite. Le calcul utilise un modèle géostrophique quasi-stationnaire tout en intégrant une composante résultant de la tension des vents. Le courant géostrophique ainsi obtenu est moyenné sur les 30 premiers mètres de l’océan.