Le climat au cours de l’Holocène qui a commencé avec la période interglaciaire, il y a environ 12500 années, peut être étudié à partir des indicateurs représentatifs du rayonnement solaire et de la température moyenne globale dans les deux hémisphères. Plusieurs accidents climatiques se superposent aux oscillations, les plus importants étant observés 8,2 ka, 5.5 à 5.3 ka et 2.5 ka (ka=103 ans) BP. Ces événements, qui sont considérés comme indissociables des changements climatiques quasi-périodiques à l’échelle millénaire, au même titre que les cycles Dansgaard-Oeschger (D-O), sont caractéristiques de l’Holocène [O’Brien et al, 1996 ; Bond et al, 1997; Bianchi et McCave, 1999; de Menocal et al, 2000; Giraudeau et al, 2000].
Comme ceci est observé au cours de l‘ère glaciaire-interglaciaire, la température de la surface de la terre est assujettie à la résonance des ondes de Rossby gyrales qui résulte du forçage solaire et orbital. De ceci découle le caractère résonant du système climatique. Le forçage est d’autant plus efficace que sa période est proche d’une des périodes de résonance, ces dernières étant verrouillées en mode subharmonique (Pinault 2018d, 2020a, 2021a).
Durant l’holocène qui débuta avec la fin de la dernière glaciation, les variations climatiques, qui peuvent être observés à partir de l’analyse des carottes de glace, des spéléothèmes, du pollen et des données sur les cernes des arbres, se produisent principalement dans deux bandes de fréquences.
Sommaire
- La bande 576-1152 ans
- La bande 96-192 ans
- Évolution des glaciers en Europe du Nord et transitions climatiques
- Événements de refroidissement soudains
- Les spéléothèmes, témoins de l’évolution des précipitations
La bande 576-1152 ans

Dans l’Atlantique Nord, il existe des similitudes entre l’Irradiance solaire totale multipliée par l’efficacité du forçage et la température globale dans la bande 576-1152 ans caractéristique de la période de 64 × 12 = 64x3x22 = 768 ans dont le mode subharmonique est 3×22 (nombre de tours parcourus pendant une demi-période). Les deux courbes montrent une similarité principalement sur l’intervalle couvrant 9 000 à 6 000 ans BP, c’est-à-dire lorsque l’efficacité du forçage est maximale.
L’efficacité du forçage, c’est-à-dire la sensibilité de la température globale (°C) à l’insolation solaire (W/m2), varie dans le temps: égale à 1,5 °C(W/m2)-1 entre 9000 et 6500 ans BP, elle diminue à 0,5 °C(W/m2)-1 après 5000 ans BP. En effet, la réponse du gyre aux variations de l’Irradiance solaire totale est d’autant plus forte que la pente de la température de l’eau de mer entre les basses et les hautes latitudes du gyre est plus forte. Au début de l’Holocène, la banquise s’étendait plus au sud, ce qui explique l’efficacité élevée du forçage radiatif. Ensuite, le retrait progressif de la banquise a rendu la rétroaction positive du courant polaire sur la profondeur de la thermocline moins efficace.
Entre 5000 et 2500 ans BP, l’amplitude de l’irradiation solaire dans la bande 576-1152 ans diminue et l’Onde de Rossby Gyrale se dissocie du cycle d’irradiance solaire, aussi bien l’amplitude que la période. Pendant cette période de découplage, l’Onde de Rossby Gyrale ne faiblit pas à cause de la rémanence des forces géostrophiques dans le gyre et le long des courants de dérive (effets collectifs des gyres dans les différentes bandes de fréquences), mais sa période s’allonge, ce qui indique que le gyre dérive vers le pôle. L’Onde de Rossby Gyrale est à nouveau couplée au cycle solaire entre 2500 ans BP et le présent lors de la recrudescence du cycle solaire. Par conséquent, la résonance du mode subharmonique 3×22 de l’Onde de Rossby Gyrale semble être le principal facteur de la variabilité climatique au cours de l’Holocène.
La bande 96-192 ans

Les Ondes de Rossby Gyrales sont forcées de manière résonante dans la bande 96-192 ans, ce qui résulte du cycle solaire de Gleissberg. L’efficacité du forçage varie beaucoup au cours de l’Holocène, principalement pendant les périodes de faible activité solaire durant lesquelles elle s’affaiblit considérablement.
Évolution des glaciers en Europe du Nord et transitions climatiques durant l’Holocène
Comme l’extension des glaciers en Norvège réagit rapidement au forçage du système climatique, leur évolution offre des opportunités pour étudier la variabilité climatique au cours de l’Holocène (Pinault, 2021b). L’évolution des glaciers reflète les modes sous-harmoniques du gyre nord-atlantique, de sorte que les mécanismes impliqués dans les téléconnexions peuvent être mis en évidence, essentiellement le changement de la circulation atmosphérique sur l’Atlantique nord à partir du milieu de l’Holocène, puis les refroidissements brusques successifs qui se sont produits pendant l’Holocène, en incluant les événements de Bond tels que le petit âge glaciaire de l’Antiquité tardive (LALIA) et le petit âge glaciaire (LIA). Dans ce cas, c’est la mise en évidence d’un mode anharmonique qui va permettre d’approfondir les mécanismes qui en sont responsables.
Événements de refroidissement soudains

Les données polliniques de 11 lacs, ainsi que les données pollen/cernes d’arbres de juillet pour les 7 500 dernières années obtenues dans le nord de la Fennoscandie (Helama et al., 2012) mettent clairement en évidence les modes sous-harmoniques de la température de surface en Europe du Nord.

En plus des 5 modes sous-harmoniques correspondant aux nombres sous-harmoniques n2 à n6, un mode anharmonique est mis en évidence à 444 ans. Ce large pic met en évidence des périodes de refroidissement successives (signal filtré dans la bande de 407 à 629 ans), à savoir, le petit âge glaciaire (LIA) qui s’est produit principalement en 1130, 1460 et en 1900 après JC et le petit âge glaciaire de l’Antiquité tardive (LALIA) qui s’est produit en 320 et en 550-680 après JC, séparés l’un de l’autre par la période chaude médiévale (MWP).
Les refroidissements brusques sont favorisés lorsque le courant de bord ouest ralentit. Vraisemblablement, le courant du gyre dans sa partie la plus septentrionale voit sa densité augmenter avant de bifurquer vers le nord, ce qui le fait plonger sous les eaux de surface, peu salées en raison de la fonte progressive de la banquise favorisée par l’advection d’air chaud vers le nord. Il s’ensuit un refroidissement important du nord de l’Europe. Le courant du gyre refait surface dès qu’il se réchauffe et les échanges thermiques sont rétablis entre l’océan et les continents. Ces transitions sont rapides car la densité de la couche superficielle et le courant sous-jacent du gyre restent proches, ce qui favorise le renversement.
Les spéléothèmes, témoins de l’évolution des précipitations

Maintenant, on cherche quantifier l’amplitude des variations des précipitations au cours de l’Holocène dans différentes régions du globe pour mettre en évidence l’évolution de la circulation atmosphérique à grande échelle. Cette étude est basée sur l’utilisation de spéléothèmes disponibles dans la base de données développée dans le cadre du projet Speleothem Isotopes Synthesis and AnaLysis (SISAL). La méthode consiste à tirer parti de la composition isotopique de l’oxygène stable (18O) dans la calcite/aragonite des concrétions des grottes, ce qui implique des processus contrôlant l’équilibre et le fractionnement cinétique des isotopes de l’oxygène dans l’eau et les espèces carbonatées.
En raison de la corrélation observée entre la diminution des valeurs 18O dans la pluie et l’augmentation de la quantité de pluie (Dansgaard, 1964), le soi-disant « effet quantité » (Rozanski et al., 1993, Bony et al., 2008, Risi et al., 2008), la quantité de précipitations peut être déduite des mesures de 18O dans les spéléothèmes.
Variations de la concentration en 18O dans les spéléothèmes selon la latitude (Pinault and Pereira, 2021 c)
La localisation de la Zone de Convergence Intertropicale (ZCIT) estivale est déduite de l’amplitude de l’oscillation des précipitations (18O par mil) en fonction des latitudes. En Amérique du Nord, la ZCIT d’été était positionnée 37° N 10 000 ans BP (c) pour passer à 21° N 2000 ans BP (a), soit le même emplacement qu’au milieu de l’Holocène, quoique moins précis (b). En Amérique du Sud, la ZCIT d’été était 25° S 10 000 ans BP (f) avec un glissement à 4° S 2000 ans BP (d). Là encore, la valeur intermédiaire manque de précision en raison de la rareté des spéléothèmes. Quant à l’Asie, la ZCIT d’été était placée 42° N 10 000 ans BP (i) avec un glissement à 25° N 2000 ans BP (g). Cependant, la migration vers l’équateur de la ZCIT d’été a été plus lente que dans les deux cas précédents car elle était toujours en cours au milieu de l’Holocène lorsque la ZCIT d’été était située 34° N.

L’amplitude de l’oscillation est élevée en Asie sur la région située entre 43° N et 10° N, quel que soit le mode sous-harmonique. Cette région est souvent sous l’influence de cellules subtropicales de haute pression étendues et persistantes, avec les schémas associés de circulation qui favorisent la formation de zones arides de basse à moyenne latitude en Asie. Cela rend probablement cette région très sensible aux changements de circulation de mousson.
La région tropicale de l’Asie du Sud-Est n’est pas sujette à l’oscillation des précipitations. Cependant, l’augmentation de l’amplitude au début de l’Holocène observée pour le mode subharmonique n5 suggère un empiètement de la ZCIT de janvier sur cette région située entre 5° N et 15° S (f).
Bien qu’elle soit également située à l’intérieur de la cellule de Hadley, la région d’Amérique centrale connaît une forte oscillation des précipitations pour tous les modes sous-harmoniques en raison de l’empiètement quasi permanent de la ZCIT en juillet. C’est donc l’oscillation latitudinale de la ZCIT de juillet qui semble se produire pour tous les modes sous-harmoniques, accordés selon les différentes périodes.
De la sorte, la ZCIT a migré vers l’équateur jusqu’à atteindre une position d’équilibre fixée par le gradient thermique actuel. Ceci met clairement en évidence la vulnérabilité des régions exposées à la contraction de la cellule de Hadley en raison de la fonte des calottes glaciaires qui réduit le gradient thermique entre les basses et hautes latitudes des gyres. Dans les régions arides bordant les déserts, le déplacement du flux d’humidité hors de ces régions a des implications importantes pour les changements probables induits par le réchauffement climatique (Pinault, 2021, c).
Variations de la concentration en 18O dans les spéléothèmes du Pacifique tropical

Seize spéléothèmes de haute résolution sont disponibles sur cinq sites. Les sites 181 et 60 se trouvent dans la zone de convergence tropicale du Pacifique Sud. 18O dans les précipitations de Bornéo (site 116) est un indicateur fiable de l’intensité convective régionale et de la quantité de précipitations, les deux étant directement influencés par l’activité de l’ENSO. Ces trois sites, étant situés à l’ouest du bassin tropical, sont corrélés négativement à l’ENSO : les précipitations diminuent pendant l’ENSO. A l’est du bassin tropical, les sites 107 et 204, situés dans la zone de convection, sont corrélés positivement à ENSO.

La contribution de l’ENSO aux précipitations à partir des spéléothèmes est obtenue de la manière suivante. Les signaux sont d’abord filtrés dans la bande 2-7 ans représentative de l’ENSO, puis dans la bande 0.5-7 ans qui intègre l’ensemble des précipitations. Ensuite, pour chaque période considérée, la contribution de l’ENSO aux précipitations est obtenue en divisant l’écart-type du signal filtré dans la bande 2-7 ans par l’écart-type du signal filtré dans la bande 0.5-7 ans.
L’activité de l’ENSO diminue au milieu de l’Holocène, un résultat largement accepté par la communauté scientifique de nos jours. Cependant, la précision des résultats de mesure permet une interprétation directe à partir de la décomposition en modes sous-harmoniques de la concentration 18O dans les carottes de glace GRIP, utilisé comme paléo proxy de l’amplitude des ondes de Rossby gyrales.
L’évolution de l’activité ENSO au cours de l’Holocène renforce l’interprétation donnée à partir des concentrations de 18O dans des foraminifères individuels à vie courte dans une carotte de sédiment prélevée dans le Pacifique équatorial oriental près des îles Galapagos (Pinault, 2021a).
Références
Helama, S.; Seppä, H.; Bjune, A.E.; Birks, H.J.B. Fusing pollen-stratigraphic and dendroclimatic proxy data to reconstruct summer temperature variability during the past 7.5 ka in subarctic Fennoscandia. J. Paleolimnol. 2012, 48, 275–286.
Matskovsky, V.V.; Helama, S. Testing long-term summer temperature reconstruction based on maximum density chronologies obtained by reanalysis of tree-ring data sets from northernmost Sweden and Finland. Clim. Past 2014, 10, 1473–1487.
Dansgaard,W. Stable isotopes in precipitation. Tellus 1964, 16, 438–468.
Rozanski, K.; Araguás-Araguás, L.; Gonfiantini, R. Isotopic patterns in modern global precipitation. In Climate Change in Continental Isotopic Records; Swart, P.K., Lohmann, K.L., McKenzie, J., Savin, S., Eds.; American Geophysical Union: Washington, DC, USA, 1993; pp. 1–37.
Bony, S.; Risi, C.; Vimeux, F. Influence of convective processes on the isotopic composition (18O and D) of precipitation and water vapor in the tropics: 1. Radiative-convective equilibrium and Tropical Ocean–Global Atmosphere–Coupled Ocean-Atmosphere Response Experiment (TOGA-COARE) simulations. J. Geophys. Res. Space Phys. 2008, 113, 19305.
Risi, C.; Bony, S.; Vimeux, F. Influence of convective processes on the isotopic composition (18O and D) of precipitation and water vapor in the tropics: 2. Physical interpretation of the amount effect. J. Geophys. Res. Space Phys. 2008, 113, 19306
Glossaire
Les boucles de rétroaction positives amplifient les modifications d’un système dynamique; cela tend à éloigner le système de son état d’équilibre et à le rendre plus instable. Les rétroactions négatives ont tendance à amortir les modifications; cela tend à maintenir le système dans un état d’équilibre le rendant plus stable.
Les événements Dansgaard-Oeschger (souvent abrégés D-O) désignent les fluctuations rapides du climat qui ont eu lieu au cours de la dernière période glaciaire.