Le carbone est composé de trois isotopes: le carbone 12, 13, et 14. Le carbone-12 est de loin le plus abondant, le carbone-13 représente environ 1%, et le carbone-14 seulement 1 sur 1 milliard d’atomes de carbone dans l’atmosphère.

Le CO2 produit par la combustion des combustibles fossiles ou du bois a une composition isotopique différente du CO2 de l’atmosphère, parce que les plantes ont une préférence pour les isotopes les plus légers, ce qui abaisse le rapport isotopique carbone-13/carbone-12. Étant donné que les combustibles fossiles proviennent des plantes, ils ont tous à peu près le même rapport isotopique – environ 2% inférieur à celui de l’atmosphère. Comme le CO2 provenant des gaz de combustion se mélange au CO2 atmosphérique, il en abaisse le rapport isotopique.
Concentration du CO2 d’origine anthropique dans l’atmosphère.

Le pourcentage du CO2 biogénique (par opposition au CO2 provenant des océans ou des volcans) se déduit du rapport isotopique du carbone-13, connaissant la consommation mondiale de combustibles fossiles, charbon, pétrole et gaz (http://www.tsp-data-portal.org/Energy-Production-Statistics#tspQvChart).
Considérant les rapports isotopiques du charbon (αc=-25 ‰), du fioul domestique (αo=-26,5 ‰), du gaz naturel (αg=-45 ‰) et la quantité de CO2 (ppmv = partie par million en volume pour 100.000 TWh) émise par le charbon (ηc=4,24), le fioul domestique (ηo=3,35) et le gaz (ηg=2,54) la déplétion du 13CO2 dans l’atmosphère, due aux gaz de combustion, est :
13CO2combustion = ∑i=1,N[Cci× αc× ηc+ Coi× αo× ηo+ Cgi× αg× ηg] (1)
où Cci , Coi , Cgi représentent la consommation au cours de l’année i du charbon, du fioul domestique et du gaz. N est la durée de vie dans l’atmosphère (en années) du 13CO2.

Pour exprimer la déplétion de 13CO2 dans l’atmosphère il faut ajouter à 13CO2combustion la contribution du 13CO2naturel provenant des océans et des volcans :
13CO2naturel = [CO2total-∑i=1,N[Cci× ηc+ Coi× ηo+ Cgi× ηg]]× αn (2)
où αn est le rapport isotopique du carbone de l’atmosphère avant la révolution industrielle, de l’ordre de -6,5 à -7 ‰. En comparant 13CO2naturel au 13CO2 mesuré, produit de la teneur en CO2 de l’atmosphère par le rapport isotopique du carbone-13, on en déduit la durée de vie N du 13CO2: N = 5 à 8 ans selon le rapport isotopique d’avant l’ère industrielle considéré.
Cette durée de vie du 13CO2 provenant des gaz de combustion correspond à la durée des échanges entre l’atmosphère et les différents réservoirs (océans, biosphère) jusqu’à l’uniformisation de la signature isotopique du dioxyde de carbone par suite de l’interchangeabilité des molécules 13CO2 et 12CO2.

Pour obtenir la durée de vie du CO2 des gaz de combustion dans l’atmosphère, il faut calculer sa réponse impulsionnelle, c’est-à-dire la réponse de l’atmosphère à un pulse de dioxyde de carbone jusqu’à la disparition complète de ses effets. La forme la plus simple de cette réponse impulsionnelle est la fonction rectangle Rec(t) telle que :
Rec(t)=1 si 0≤t≤N’, Rec(t)=0 si t<0 ou t>N’ (3)
où N’ est la durée (en années) de la réponse impulsionnelle (la concentration en dioxyde de carbone provenant du pulse est maintenue durant cette période). Considérer une réponse impulsionnelle rectangulaire revient à supposer que la concentration en dioxyde de carbone provenant du pulse est maintenue durant toute cette période jusqu’à sa disparition complète.

Le dioxyde de carbone provenant de 2 sources, des gaz de combustion d’une part et du dégazage des océans suite au réchauffement des ondes de Rossby gyrales aux moyennes latitudes d’autre part, le calcul de N’ revient à résoudre le système linéaire :
∆CO2obs = IT*∆T+∑i=1,N’[Cci× ηc+ Coi× ηo+ Cgi× ηg] (4)
où le signe * représente le produit de convolution. Au temps t, IT*∆T = ∑i=1,N’’IT(i).∆T(t-i) où N’’ est la durée de la réponse impulsionnelle de l’atmosphère à un pulse de température (une augmentation de la température durant une année). ∆T est la variation de la température globale considérée ici comme représentative des anomalies de la température de la surface des océans aux moyennes latitudes.
La résolution de (4) consiste à calculer la réponse impulsionnelle IT(t) positive :
IT(t) ≥ 0 si 0 ≤ t ≤ N’’, IT(t) = 0 si t<0 ou t>N’’ (5)
et la durée de vie N’ du CO2 d’origine anthropique de manière à réduire l’écart quadratique moyen (le résidu) entre les deux membres, le CO2 observé et modélisé. Le résultat de ce calcul de déconvolution permet d’obtenir N’=30 ans. De manière plus précise, la température n’intervient pas à cette échelle de temps (l’aire de la réponse impulsionnelle est nulle) et l’augmentation constatée du dioxyde de carbone atmosphérique depuis 1850 est entièrement imputable aux gaz de combustion. Ce résultat n’est pas surprenant car l’analyse isotopique de la carotte de glace Vostok montre que l’émission de CO2 suite au dégazage des océans intervient plusieurs centaines d’années après une hausse de la température moyenne globale.
Interprétation des résultats

La durée de vie du CO2 atmosphérique est imposée par sa solubilité dans l’eau de mer, solubilité qui décroit lorsque la température augmente. Un flux est établi entre les océans tropicaux, qui dégazent, et les moyennes latitudes, qui dissolvent, en bénéficiant des vents d’altitude.
L’équilibrage rapide de la composition isotopique de l’atmosphère n’implique que la couche superficielle des océans et la biosphère (échange de molécules 13CO2 et 12CO2) alors que la séquestration du dioxyde de carbone atmosphérique intervient plus en profondeur de la couche de mélange des océans, l’acide carbonique se transformant en bicarbonates, puis en carbonates qui précipitent.

Ainsi les durées très contrastées des réponses impulsionnelles de 13CO2 et de CO2 reflètent les différents mécanismes impliqués. Ni la biosphère ni la surface des océans ne piègent durablement le CO2 atmosphérique, qu’il produise de la biomasse grâce à la photosynthèse car il est entièrement restitué au cours des processus de minéralisation après la mort des végétaux (à l’exception des alcanes formés au fond des océans et des fjords à partir du phytoplancton, ainsi que de la tourbe), ou qu’il soit absorbé par la surface des océans en raison du dégazage.
L’enrichissement de l’atmosphère en CO2 anthropique provient de l’augmentation des émissions. Supposons que ces émissions se stabilisent à leur niveau de 2013. L’augmentation de la concentration du CO2 anthropique se poursuivrait dans ce cas jusqu’en 2043 pour atteindre 150 ppmv. Au-delà de cette date un régime stationnaire s’établirait, le CO2 émis se transformant progressivement en carbonates et en matières organiques (alcanes, tourbe). Notons que cette valeur limite de 150 ppmv ne dépend pas de la forme de la réponse impulsionnelle, mais seulement de son aire. Elle indique que, dans l’hypothèse où les émissions se seraient stabilisé en 2013, la concentration de CO2 anthropique dans l’atmosphère serait plus de moitié de celle du CO2 naturel (la concentration du CO2 atmosphérique était de 285 ppmv en 1850). Cet accroissement de la teneur en CO2 de 150 ppmv serait inférieur aux émissions cumulées qui seraient de 325 ppmv en 2043. C’est donc que près de la moitié du CO2 d’origine anthropique émis depuis le début de l’ère industrielle aurait été séquestré.
L’évolution future de la concentration du CO2 atmosphérique s’établit facilement à partir des hypothèses sur les émissions anthropiques exprimées en ppmv par an et en cumulant les émissions annuelles au cours des 30 dernières années. Tout laisse à penser qu’elle va continuer à augmenter au rythme actuel pendant encore de nombreuses années, et ceci quelles que soient les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre mises en œuvre par les différents états.
Bonjour, merci pour cet article.
Je ne suis pas scientifique et du coup je ne suis pas sûre d’avoir tout compris: est-ce que oui ou non l’augmentation du CO2 anthropique dans l’atmosphère est la cause du réchauffement global visible actuellement ? Car j’ai lu un article qui disait qui disait que non, qu’en réalité c’était dû à l’augmentation de l’activité et des vents solaires.
D’avance merci pour votre réponse.
Cordialement
Kler
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L’augmentation du CO2 dans l’atmosphère depuis les débuts de l’ère industrielle, et qui provient des gaz de combustion, est responsable d’une partie seulement du réchauffement, 1/3 environ. L’article a pour objet de proposer une alternative au réchauffement anthropique en mettant en évidence un phénomène de résonance d’ondes ‘gyrales’ autour des gyres sous-tropicaux sous l’effet du forçage solaire et orbital. Ces gyres ont la propriété d’emmagasiner la chaleur ou, au contraire, de la restituer comme ceci s’est produit au cours de la seconde moitié du 20ème siècle.
Cordialement,
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Bonjour,
Article interessant.
J’ai effectue des calculs similaires, bases sur le d13C du CO2 depuis 1 siecle et du d14C avant 1950. Le calcul de dilution isotopique du 13C montre qu’on devrait avoir aujourd’hui un d13c du co2 atmospherique d’environ -10 pmil. Ce qui est loin d’etre le cas…bref, isotopie et bilan de masse ne collent pas du tout en ne considerant que des equilibres thermodynamiques et des echanges du co2 entre les differents pools. Le seul phenomene qui peut induire un alourdissement isotopique aussi consequent du co2 residuel atmospherique est la photosynthese (terrestre et dans les oceans). Avec pour consequence une augmentation de la biomasse. Si un tel re-uptake etait confirmé, cela rendrait l’hypothese d’une duree de vie du co2 dans l’atmosphere de 5 ans environ est tout a fait realiste.
Cordialement
Daniel
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Merci Daniel pour vos commentaires,
Effectivement la grande disparité observée entre les durées de vie obtenues à partir du 13C et du 12C (par de-convolution), 5 ans dans le premier cas, quelques décennies dans le second, met bien en évidence l’effet de la photosynthèse.
Jean-Louis
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